Stratégie de refacturation des frais en matière de TVA
La refacturation de frais soulève régulièrement des questions en ce qui concerne l’application de la TVA.
Dans certains contextes spécifiques, tels que dans le cas des mandats explicites (débours TVA) ou les groupes de sociétés, il est important de distinguer la part du prix qui constitue la base d’imposition de celle qui n’y est pas intégrée1.
Le présent article se propose d’exposer, de façon synthétique, les principales règles de TVA relatives à la stratégie de refacturation des frais, tout en abordant la question du régime des « assujettis partiels » et du « régime restrictif des secteurs d’activités distincts »2.
1. Cadre général : refacturation des frais et base d’imposition TVA
1.1. Principe de la commission versus remboursement
Lorsqu’un mandataire agit dans le cadre d’un mandat explicite, il effectue l’achat de biens ou de services au nom et pour le compte de son mandant (l’entreprise qui l’a mandaté).
Dans ce contexte :
- La commission perçue par le mandataire rémunère la prestation de service (mandat/commission).
- Elle constitue une opération soumise à la TVA puisqu’elle correspond à la contrepartie du service rendu par le mandataire (prestation d’intermédiaire).
- En comptabilité, cette commission s’enregistre dans un compte de produits (recettes de commissions).
- Le remboursement de frais engagés (prix d’achat des pièces, par exemple) sont avancées pour le compte du mandant.
- Le remboursement de ces frais (c’est-à-dire le prix d’achat exact payé par le mandataire) ne fait pas partie de la base d’imposition du mandataire, car il ne correspond pas à une opération économique réalisée par celui-ci en propre, mais à un simple remboursement de débours.
- En comptabilité, ces sommes sont transitées via un compte tiers (généralement un compte de classe 4 du PCN).
Concrètement, la facture du mandataire à son client comportera deux lignes distinctes :
- Ligne 1 : la commission soumise à la TVA.
- Ligne 2 : le remboursement des dépenses (hors TVA du mandataire), non soumis à la TVA du mandataire (si le mandat explicite est prouvé et que le débours est justifié).
1.2. Importance de l’existence d’un mandat
Pour éviter tout risque de requalification par l’Administration de l'Enregistrement, des Domaines et de la TVA (AED), il est primordial de documenter et de prouver le caractère explicite du mandat.
Cela consiste généralement à :
- Disposer d’un contrat ou d’un accord de mandat précisant le rôle du mandataire et les modalités du remboursement des frais ;
- Séparer explicitement, dans la facturation, la partie commission de la partie débours ;
- Veiller à ce que les factures d’achat soient bien établies « au nom et pour le compte » du mandant.
2. Les groupes de sociétés et l’intérêt du « remboursement des frais »
Dans les groupes de sociétés, il est fréquent qu’une entité centrale (holding, société mère ou filiale spécifique) réalise des achats ou engage des dépenses pour le compte d’autres entités du groupe.
L’intérêt de la stratégie de remboursement des frais réside dans la neutralité de certaines opérations intragroupe :
- Transparence : le remboursement pur et simple de la dépense initiale évite d’augmenter artificiellement la base imposable en TVA.
- Séparation de lignes : les factures internes peuvent faire la distinction entre les commissions ou prestations de services réellement fournies (soumis à TVA) et les frais avancés pour le compte d’autrui (non soumis à TVA).
Dans ces contextes, il faut toutefois tenir compte du statut TVA des différentes sociétés du groupe :
- Certaines sont des assujettis de droit commun (ex. sociétés commerciales) : elles exercent une activité entièrement taxable (ou exonérée avec droit à déduction) ;
- D’autres sont des assujettis partiels (ex. sociétés holdings), c’est-à-dire qu’elles réalisent à la fois des activités économiques ouvrant droit à déduction de la TVA et des activités situées hors champ (non économiques), n’ouvrant pas droit à déduction.
3. Le régime des assujettis partiels et l’impact sur la déduction de la TVA
3.1. Définition : « assujetti partiel » et « assujetti mixte »
- Assujetti mixte : l’assujetti (une holding animatrice par exemple) exerce exclusivement des activités économiques au sens de la TVA, dont certaines opérations peuvent être taxables, d’autres exonérées avec ou sans droit à déduction. La holding doit alors appliquer les règles de proportion de déduction prévues par la législation (coefficient de déduction).
- Assujetti partiel : à côté de ses activités économiques, l’assujetti exerce également une activité non économique (hors champ d’application de la TVA). La TVA grevant des biens et services utilisés dans le cadre de l’activité non économique est en principe non déductible.
Ces notions ont été éclaircies et ajustées par la circulaire n° 765, qui, depuis 2018, étend aux assujettis partiels les règles initialement prévues pour les assujettis mixtes. Concrètement :
- Lorsqu’un assujetti partiel acquiert des biens et services pour les besoins tant de son activité économique que de son activité non économique, il doit appliquer un calcul de déduction fondé sur l’affectation de ces biens et services.
- La partie utilisée pour l’activité non économique est totalement exclue du droit à déduction de la TVA.
- La circulaire n° 765 précise, par ailleurs, que l’activité non économique « se situe en dehors du champ d’application de la TVA » et qu’à ce titre, la TVA y afférente est « étrangère au système de déduction ».
3.2. Les conséquences pour les refacturations
Pour un assujetti partiel refacturant des frais à d’autres sociétés, deux cas se présentent :
- Refacturation de prestations (commissions, honoraires, management fees, etc.) : ces prestations constituent des opérations économiques imposables (sauf exonérations spécifiques). La TVA est facturée et la déduction de la TVA réglée par le client est possible dans la mesure où elles sont affectées à l’activité économique.
- Refacturation de débours (remboursement de frais) pour le compte d’autrui : si l’entreprise agit en mandat explicite, et que la dépense n’est pas un coût propre de l’assujetti partiel, on considère qu’il s’agit de débours.
Le remboursement n’est pas inclus dans la base d’imposition de l’assujetti partiel. Toutefois, la portion de TVA sur ces biens et services initialement payée par le mandataire peut ne pas être déductible si ceux-ci sont partiellement utilisés pour l’activité non économique du mandataire.
4. Le régime restrictif des « secteurs d’activités distincts » (article 51 LTVA)
4.1. Principe
Afin d’atténuer les effets négatifs du régime des assujettis partiels pour les holdings (mixité des activités et limitation du droit à déduction), la législation (article 51 du LTVA) offre la possibilité d’opter pour le régime des « secteurs d’activités distincts ».
Concrètement, cela consiste à :
- Segmenter l’entreprise en plusieurs secteurs clairement différenciés (chacun étant considéré comme un assujetti distinct au regard de la TVA).
- Isoler les activités non économiques ou soumises à des taux de déduction différents, de sorte que chaque secteur d’activité dispose de sa propre comptabilité TVA et de sa propre déclaration dans certains cas.
4.2. Conditions et autorisation préalable
Ce régime étant dérogatoire au principe d’unicité de l’assujetti, il nécessite :
- Une autorisation préalable de l’AED (dépôt d’un dossier complet justifiant la pertinence d’une telle séparation).
- Une organisation comptable distincte par secteur, afin de retracer fidèlement les opérations, achats, ventes, et d’assurer l’exactitude des déclarations de TVA.
- Le respect strict des modalités fixées par l’AED, qui peut refuser ou retirer le régime si les conditions ne sont plus remplies.
4.3. Avantages et inconvénients
- Avantages : meilleure optimisation de la déduction de la TVA pour les secteurs à vocation économique, en évitant que la partie non économique ou peu taxable ne vienne polluer le coefficient de déduction global.
- Inconvénients : alourdissement des obligations administratives, nécessité d’une comptabilité séparée, contrôle plus rigoureux de l’AED.
5. Conclusion
La stratégie de refacturation des frais en matière de TVA requiert une grande vigilance pour distinguer :
- Les commissions ou honoraires qui représentent la contrepartie d’une prestation de service (base imposable à la TVA) ;
- Les débours ou remboursements de frais n’entrant pas nécessairement dans la base d’imposition3 (à condition d’apporter la preuve du mandat explicite).
Dans les groupes de sociétés, cette distinction prend tout son sens pour éviter une taxation excessive ou la perte de droits à déduction. Les holdings ou autres entités exerçant à la fois des activités économiques et non économiques sont assujetties partiellement et doivent appliquer les règles particulières, notamment celles de la circulaire n° 765 visant la répartition de la TVA déductible en fonction de l’utilisation réelle des biens et services.
En somme, la bonne gestion de la refacturation de frais et le choix d’un régime TVA adapté pour une holding (assujetti partiel, secteur distinct) sont des enjeux clés pour toute entreprise ou groupe souhaitant sécuriser ses opérations et optimiser sa position fiscale.
1. Les montants payés au nom et pour compte du preneur et qui sont portés dans la comptabilité du fournisseur dans des comptes de passage, ne constituent pas un élément de la rémunération au sens de la loi TVA (LTVA).
2. Article 51 LTVA.
3. Article 30 LTVA.