Responsabilité des administrateurs en matière fiscale et appel en garantie
Un administrateur de société se doit d’agir avec diligence et prudence ; en cas de manquement, sa responsabilité personnelle peut être engagée.
Traditionnellement, en matière fiscale, l’administrateur est responsable des déclarations et du paiement des dettes d’impôt de la personne morale qu’il représente.
Ainsi, si la société ne respecte pas ses obligations fiscales, l’administration peut engager une procédure d’appel en garantie pour recouvrer la dette sur le patrimoine personnel de l’administrateur.
Responsabilité des administrateurs
Dans une société anonyme, les administrateurs sont chargés de la gestion globale.
Ils peuvent déléguer la gestion quotidienne à un administrateur-délégué, mais ils restent tenus de surveiller son action.
En cas de manquement du délégué, les administrateurs sont responsables s’ils ne s’informent pas ou ne réagissent pas pour faire corriger la situation, car ils ont une obligation de s'informer afin d'éviter ces manquements.
Un administrateur qui n’exerce pas réellement ses fonctions, parfois qualifié d’« administrateur de paille », peut se voir reprocher une « faute grave », sa responsabilité étant engagée pour toute la durée de son mandat ainsi que pour la période antérieure non régularisée.
Un nouvel administrateur doit donc vérifier que l’ensemble des obligations fiscales de la société sont respectées et, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires pour régulariser la situation.
Dans une SARL, le gérant est soumis aux mêmes exigences. S’il est défaillant dans sa mission, il peut également être appelé en garantie pour le recouvrement des dettes fiscales de la société de laquelle il est gérant.
Exonération de responsabilité
Lorsque la société manque à ses obligations fiscales, la première étape pour les administrateurs consiste à signaler ces manquements au délégué à la gestion afin de prendre les dispositions nécessaires.
Si la situation perdure, les administrateurs doivent formellement exprimer leur opposition à la gestion défaillante, et, en dernier recours, envisager leur démission. Pour garantir la preuve des démarches entreprises, il est conseillé de tout réaliser par écrit et de publier la démission au RCS. Par ailleurs, les administrateurs peuvent engager des poursuites contre le délégué pour faute de gestion.
L’appel en garantie des administrateurs
L’appel en garantie intervient lorsque la société ne s’acquitte pas de ses obligations fiscales et que les administrateurs, par leur défaut de surveillance, n’ont pas empêché cette inexécution fautive.
Concrètement, l’administration fiscale peut alors solliciter le paiement de la dette sur le patrimoine personnel des administrateurs concernés.
L’obligation fiscale de la société, qui consiste notamment à déposer les déclarations fiscales dans les délais légaux et à payer les impôts dus (cf. §103 de la loi générale des impôts, AO), ne suffit pas en soi pour engager la responsabilité de l’administrateur.
Il doit être démontré une « inexécution fautive » (cf. §109 de la loi générale des impôts, AO) : l’administrateur doit avoir, par une attitude passive, empêché la perception de l’impôt légalement dû.
Par exemple, si le délégué à la gestion omet de déposer les déclarations ou de procéder aux paiements, et que l’administrateur ne manifeste aucune opposition ni ne prend les mesures pour remédier à la situation, il peut alors être tenu solidairement responsable. L’administration fiscale bénéficie d’un pouvoir discrétionnaire pour désigner le ou les administrateur(s) appelés en garantie, décision devant être motivée tant en termes de responsabilité individuelle que de montant réclamé (§2 de la loi d’adaptation fiscale, StAnpG).
Cas du mandat d'administrateur à titre gratuit
Parfois, certains administrateurs exercent leur mandat sans rémunération ou ne perçoivent jamais leur indemnité.
Dans ce cas, l’administrateur ne voit pas sa responsabilité atténuée, il est assujetti aux mêmes obligations qu’un administrateur à titre onéreux, et peut aussi être appelé en garantie.
Nouvel éclairage jurisprudentiel de la CJUE
Un arrêt C-277/24 du 27 février 2025 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient d'enrichir ce dispositif en matière de TVA et d’appel en garantie.
Selon le droit luxembourgeois (pratique jurisprudentielle luxembourgeoise), un administrateur ou gérant qui n’a pas participé à la procédure d’imposition ne pouvait pas contester le fond de l’imposition, la contestation se limitant à la procédure en responsabilité solidaire.
La CJUE précise désormais que, même si l’administrateur n’est pas parti à la procédure d’imposition, il doit pouvoir, lors d’une procédure en responsabilité solidaire, contester les constatations et appréciations qui ont conduit à la détermination de la dette fiscale.
Cette solution garantit le respect des droits de la défense et le principe de proportionnalité, en permettant à l’administrateur d’accéder au dossier de la procédure d’imposition afin de vérifier et de contester les éléments de preuve qui l’affectent.
Ainsi, cet arrêt renforce la protection des administrateurs en précisant que l’exclusion de leur participation à la procédure d’imposition n’est pas incompatible avec les garanties procédurales européennes, pour autant qu’ils puissent ultérieurement exercer un droit effectif de contestation lors de l’action en responsabilité solidaire.
Bien que cette avancée renforce la protection des administrateurs en matière fiscale, il nous parait plus prudent de suivre de près les évolutions à venir pour ajuster et clarifier la responsabilité globale des administrateurs.