Tout sur la TVA de l’e-commerce : Ventes à distance, biens matériels et services électroniques
Au Luxembourg, la TVA sur l’e-commerce est régie par la loi modifiée du 12 février 1979 relative à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après « LTVA »), laquelle transpose en droit national les directives européennes, notamment la Directive 2006/112/CE et ses modifications ultérieures.
Les ventes à distance de biens matériels (p. ex. vêtements, livres physiques ou appareils électroniques) sont soumises au régime classique de la vente à distance prévu à l’article 19quater LTVA, avec des seuils annuels de chiffre d’affaires spécifiques au-delà desquels le vendeur doit s’immatriculer à la TVA dans l’État membre de destination (ou opter pour le guichet unique).
Les services électroniques (article 15 et suivants LTVA) sont soumis à la règle du « pays de consommation » et le taux appliqué est celui de l’État membre où réside le consommateur final, conformément à l’article 17(2) LTVA qui définit le lieu de prestation.
Il est donc indispensable pour toute entreprise de commerce électronique, qu’elle vende des biens matériels ou qu’elle fournisse des services électroniques, de bien distinguer les règles spécifiques du régime des ventes à distance et de celles applicables aux prestations immatérielles, afin de respecter les obligations imposées par la LTVA, et notamment, la règlementation européenne sur les seuils d’application du régime particulier pour la vente à distance.
1. Le cas des « services fournis par voie électronique »
Selon la Directive 2006/112/CE complétée par le Règlement d’exécution (UE) № 282/2011, on qualifie de « services fournis par voie électronique » (aussi appelés « services électroniques ») toutes les prestations réalisées principalement via internet ou un réseau électronique, et dont la fourniture est, pour l’essentiel, automatisée et indépendante d’une intervention humaine significative.
Cela inclut, par exemple, la création et l’hébergement de sites web, ainsi que la maintenance à distance de logiciels ou d’équipements informatiques (comme des serveurs, des routeurs, ou des systèmes de gestion de bases de données). Sont également visées, la vente ou la mise à disposition de logiciels (par téléchargement ou mise à jour en ligne), que ce soit pour des applications professionnelles (comptabilité, relation client, etc.), ou à usage personnel (logiciels de retouche photo, antivirus, jeux vidéo, etc.).
Au-delà, la fourniture d’images, de vidéos, de textes, ou la mise à disposition de bases de données fait clairement partie de ces services, dès lors qu’elle se réalise par le biais d’une plateforme ou d’un serveur accessible en ligne (p. ex. banques d’images, plateformes de streaming musical ou vidéo à la demande, consultation et téléchargement de documents techniques, etc.).
Les services de streaming ou de téléchargement de contenus audiovisuels (musique, films, podcasts, webinaires, retransmissions d’événements sportifs ou culturels) relèvent également du champ d’application de la TVA sur les services électroniques, tout comme les services d’enseignement à distance (e-learning), qu’il s’agisse de cours en ligne en libre accès, de classes virtuelles ou de modules de formation continue.
Le principe désormais en vigueur est que la TVA applicable pour les services de télécommunication, de radiodiffusion, de télévision et de commerce électronique (B2C) est celle du pays où réside le consommateur final.
En revanche, il est primordial de distinguer ces prestations immatérielles, intégralement fournies par voie électronique, des ventes de biens matériels commandés en ligne (livres papier, billets d’avion imprimés, etc.), lesquels entrent dans le régime classique des ventes à distance et se voient appliquer des seuils de chiffre d’affaires spécifiques par l'État membre.
2. Le cas des biens matériels
Selon l’article 14 de la Directive 2006/112/CE, la notion de vente de biens matériels (ou « livraison de biens ») vise le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. Autrement dit, il s’agit de tout produit physique (p. ex. vêtements, livres papier, appareils électroniques) dont la propriété est cédée à l’acheteur.
Au Luxembourg, les articles 9 et suivants LTVA précisent les modalités d’application et d’imposition liées à ces ventes. Lorsqu’une livraison de biens s’effectue entre un vendeur établi au Luxembourg et un acheteur (généralement particulier) situé dans un autre État membre, on parle de vente à distance. Le vendeur doit alors vérifier s’il dépasse le seuil de chiffre d’affaires de 10 000 EUR. Au-delà de ce seuil, l’entreprise doit s’immatriculer à la TVA dans le pays du client ou, depuis le 1er juillet 2021, utiliser l’OSS (One-Stop Shop) pour les ventes de biens intra-UE, afin de déclarer et de reverser la TVA due.
Contrairement aux services électroniques, la livraison de biens matériels implique des opérations de transport et de dédouanement éventuels (en cas d’importations depuis un pays tiers), ce qui influe également sur la détermination du lieu de taxation et le calcul des droits et taxes.
Ainsi, pour les biens matériels, la relation physique (transfert de propriété d’un objet tangible) constitue l’élément déclencheur de l’opération imposable, alors que pour les services électroniques, c’est la prestation immatérielle via un réseau en ligne qui prime.
3. Le guichet unique (OSS)
Afin d’éviter à une entreprise de devoir s’enregistrer et déclarer la TVA dans chaque État membre où elle réalise des ventes B2C, l’Union européenne a créé un guichet unique. Initialement appelé MOSS (Mini One-Stop Shop) et limité aux services de télécommunication, de radiodiffusion et électroniques, ce dispositif a été étendu depuis le 1er juillet 2021 sous le nom de OSS (One-Stop Shop) pour inclure, entre autres, les ventes à distance de biens au sein de l’UE.
Comment fonctionne l’OSS ?
Choix de l’État membre d’identification. L’entreprise s’inscrit au guichet unique dans un seul État membre (par exemple, le Luxembourg si elle y possède son siège ou un établissement stable).
Déclaration unique des ventes intracommunautaires. Toutes les opérations de ventes envers des consommateurs finaux (en B2C pour « business to customer ») destinées à des clients situés dans d’autres États membres sont déclarées via ce portail OSS, qu’il s’agisse de services électroniques ou, depuis 2021, de la plupart des ventes de biens à distance.
Collecte et répartition de la TVA. L’administration fiscale de l’État membre d’identification perçoit la TVA déclarée par l’entreprise, puis la reverse aux administrations fiscales des pays de consommation concernés.
Exemple pratique
Une société qui a son siège au Luxembourg peut opter pour l’OSS au Luxembourg. Ce faisant, elle n’aura plus à s’immatriculer à la TVA dans chaque État membre où résident ses clients particuliers. Cependant, elle doit appliquer le taux de TVA en vigueur dans le pays de consommation (celui de l’acheteur final) et respecter les règles nationales (taux, exonérations, etc.). Les déclarations sont alors centralisées via l’OSS, ce qui simplifie considérablement les obligations administratives et fiscales à l’échelle européenne.
4. Le régime IOSS (Import One-Stop Shop)
Depuis le 1er juillet 2021, avec l’adoption de nouvelles Directives, l’Union européenne a mis en place le régime IOSS (Import One-Stop Shop) pour faciliter la déclaration et la perception de la TVA sur les ventes à distance de biens importés depuis des pays tiers. Ce système s’applique uniquement aux envois dont la valeur intrinsèque n’excède pas 150,00 EUR (frais de transport et d’assurance exclus).
Comment fonctionne l’IOSS ?
Enregistrement à l’IOSS. Les vendeurs ou les plateformes de e-commerce qui importent des biens de faible valeur dans l’UE doivent s’enregistrer à l’IOSS dans un seul État membre (dit « État membre d’identification »).
Facturation de la TVA au moment de la vente. Une fois enregistrés, les vendeurs perçoivent la TVA directement auprès de leurs clients au moment de l’achat (et non à l’arrivée des marchandises dans l’UE). Cela évite aux consommateurs de payer des frais de dédouanement ou de TVA additionnels à la livraison.
Déclaration mensuelle unique. Tous les mois, le vendeur dépose une déclaration TVA unique via le portail IOSS de l’État membre d’identification (par exemple, le Luxembourg). Il y indique l’ensemble des ventes à distance de biens importés réalisées vers les différents pays de l’Union.
Répartition de la TVA entre les États membres. L’administration fiscale de l’État membre d’identification collecte la TVA et la reverse ensuite aux autres pays de l’UE concernés.
Points d’attention
Limite des 150,00 EUR par envoi. Les envois dont la valeur dépasse 150,00 EUR ne peuvent pas bénéficier du régime IOSS. Ils sont soumis aux règles d’importation standard (paiement de la TVA et, le cas échéant, des droits de douane à l’arrivée).
Dropshipping et immatriculation TVA. En cas de dropshipping (vente de biens stockés hors de l’UE et livrés directement au consommateur établi à l’intérieur de l’UE), si la valeur des envois excède 150 EUR ou si l’entreprise choisit de ne pas recourir à l’IOSS, elle doit s’immatriculer à la TVA dans chaque État membre où elle vend ou désigner un représentant fiscal pour s’en charger, lorsque la législation de l’État concerné le permet.
Respect des règles nationales. Même si l’IOSS offre un guichet unique pour la TVA à l’importation, chaque État membre a ses taux de TVA et ses législations nationales (périodes de déclaration, contrôles, obligations documentaires). Les vendeurs doivent donc s’assurer de respecter l’ensemble des dispositions en vigueur, sous peine de sanctions administratives.
5. Conclusion : le Luxembourg reste-t-il intéressant ?
Le taux normal de TVA au Luxembourg est de 17 % depuis le 1er janvier 2015, soit l’un des plus bas de l’UE. Toutefois, ce taux ne s’applique plus de manière systématique à tous les clients particuliers de l’Union, car la règle du « lieu de consommation » prime pour les services électroniques B2C.
Malgré ce changement majeur, le Luxembourg demeure un pays attractif pour y développer des activités de commerce électronique, grâce notamment :
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À sa stabilité politique et économique.
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À son guichet unique (OSS) pour faciliter la déclaration de TVA.
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À un environnement propice à l’innovation numérique et au développement des entreprises (fiscalité sur les sociétés, infrastructures, etc.).
En définitive, même si l’avantage automatique du taux de TVA luxembourgeois ne s’applique plus de la même manière qu’auparavant pour les ventes B2C, le Grand-Duché continue d’offrir plusieurs atouts de premier plan pour le commerce électronique, qu’il s’agisse de services électroniques ou de ventes de biens matériels.