Evolution et modernisation du droit luxembourgeois des sociétés
L'introduction en droit luxembourgeois de la Société Européenne (SE) et la manière choisie de le faire, c'est-à-dire en reprenant purement et simplement dans la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales les dispositions du Règlement 2157/2001 du Conseil Européen du 8 octobre 2001, a nécessité la modification de la Loi sur certains points. Nous examinerons successivement les deux points principaux, à savoir l'introduction du régime dualiste de gestion (directoire et conseil de surveillance) et la création en droit luxembourgeois de la société anonyme unipersonnelle, puis brièvement les principaux points secondaires.
La structure de gestion de type dualiste
Jusqu'au 25 août 2006 la seule forme de gestion possible d'une société anonyme était le conseil d'administration. Grâce à l'introduction de la société européenne et la possibilité de choisir le mécanisme de gestion (article 39 du Règlement), il est dorénavant possible d'utiliser la forme dualiste du directoire et du conseil de surveillance dans toutes les sociétés anonymes luxembourgeoises. (ajout des articles 60bis-1 à 60bis-19 à la loi du 10 août 1915).
La gestion d'une société anonyme luxembourgeoise peut donc maintenant être effectuée par deux organismes différents : le directoire qui dirige la société et est responsable de la gestion et le conseil de surveillance qui exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire, sans pouvoir s'immiscer dans cette gestion .
Les directeurs sont nommés :
- soit par le conseil de surveillance,
- soit par l'assemblée générale seule si ce pouvoir lui est attribué par les statuts.
Ils peuvent être révoqués (ad nutum) par le conseil de surveillance ainsi que par l'assemblée générale si les statuts le prévoient.
Par voie d'une modification statutaire il est possible pour une société au cours de son existence de changer le système de gestion choisi au moment de la constitution.
La création de la société anonyme unipersonnelle
Le Luxembourg suit la tendance européenne et à la suite de la France, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne pour ne citer que les pays les plus importants, il a décidé d'introduire cette possibilité en droit luxembourgeois lors de l'introduction de la société européenne.
La loi du 24 avril 1983 avait déjà réduit à 2 le nombre d'actionnaires minimum d'une société anonyme, mais à la demande du Conseil d'Etat n'avait pas franchi le pas de la société anonyme unipersonnelle.
La loi du 28 décembre 1992 avait elle introduit la société à responsabilité limitée unipersonnelle. Son succès a sans doute permis de dissiper les dernières résistances à la création d'une société anonyme unipersonnelle.
La société anonyme unipersonnelle qui a été créée le 25 août dernier est une société anonyme à part entière, suit les mêmes règles que celles d'une société anonyme classique avec quelques aménagements dus à son actionnaire unique :
- Les assemblées générales sont remplacées par les décisions de l'actionnaire unique, qui sont consignées dans un procès verbal.
- Le conseil d'administration peut être réduit à un seul membre.
La société anonyme unipersonnelle ne constitue cependant pas une forme nouvelle de société contrairement à ce qui s'est passé en France lors de l'introduction de la SAS.
Il est évident que ce type de structure peut s'avérer fort utile en cas de création d'une filiale d'une société détenue à 100% par la société mère, il ne sera plus nécessaire d'aller chercher un deuxième actionnaire fantôme.
De même, il ne sera plus obligatoire de procéder à la liquidation de la société anonyme si celle-ci venait à avoir qu'un seul actionnaire.
Les autres principales modifications
1. Personne morale nommée administrateur ou membre du directoire
Il a été introduit deux articles, l'article 51bis pour les administrateurs et l'article 60bis-4 pour les membres du directoire dont la teneur est :
Art. 51bis. - Lorsqu'une personne morale est nommée administrateur, celle-ci est tenue de désigner un représentant permanent chargé de l'exécution de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale.
Ce représentant est soumis aux mêmes conditions et encourt les mêmes responsabilités civiles et pénales que s'il exerçait cette mission en nom et pour compte propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'il représente. Celle-ci ne peut révoquer son représentant qu'en désignant simultanément son successeur.
La désignation et la cessation des fonctions du représentant permanent sont soumises aux mêmes règles de publicité que s'il exerçait cette mission en nom et pour compte propre.
Art. 60bis-4. - Lorsqu'une personne morale est nommée membre du directoire, celle-ci est tenue de désigner un représentant permanent chargé de l’exécution de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale.
Ce représentant est soumis aux mêmes conditions et encourt les mêmes responsabilités civiles et pénales que s'il exerçait cette mission en nom et pour compte propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'il représente. Celle-ci ne peut révoquer son représentant qu'en désignant simultanément son successeur.
La désignation et la cessation des fonctions du représentant permanent sont soumises aux mêmes règles de publicité que s'il exerçait cette mission en nom et pour compte propre.
2. Nomination d'un président du conseil d'administration, ou d'un président du conseil de surveillance
Cette fonction n'existait pas dans la précédente rédaction de l'article 64
Art. 64. (2) Le conseil d'administration, le directoire et le conseil de surveillance élisent en leur sein un président.
3. Introduction des réunions des actionnaires et des conseils et donc aussi des votes par visioconférence ou tout autre moyen de télécommunications permettant l'identification
Il s'agit des article 64bis (3) pour les réunions de dirigeants, et article 67 (3) pour les actionnaires.
Art. 64bis- (3) Sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les administrateurs ou les membres du directoire qui participent à la réunion du conseil ou du directoire par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification. Ces moyens doivent satisfaire à des caractéristiques techniques garantissant une participation effective à la réunion du conseil ou du directoire dont les délibérations sont retransmises de façon continue.
La réunion tenue par de tels moyens de communication à distance est réputée se dérouler au siège de la société.
Art. 67. (3) Tout actionnaire a, nonobstant toute disposition contraire, mais en se conformant aux règles des statuts, le droit de voter par lui-même ou par mandataire. Si les statuts le prévoient, sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification. Ces moyens doivent satisfaire à des caractéristiques techniques garantissant la participation effective à l'assemblée, dont les délibérations sont retransmises de façon continue.
4. Introduction des votes des actionnaires par correspondance
Art. 67. (3bis) Les statuts peuvent autoriser tout actionnaire à voter par correspondance, au moyen d'un formulaire dont les mentions sont fixées dans les statuts.
Les formulaires, dans lesquels ne seraient mentionnés ni le sens d'un vote ni l'abstention, sont nuls.
Pour le calcul du quorum, il n'est tenu compte que des formulaires qui ont été reçus par la société avant la réunion de l'assemblée générale, dans les délais fixés par les statuts.
5. Nouvelle obligation de discrétion imposée aux dirigeants
Art. 66. - Les administrateurs, membres du directoire et du conseil de surveillance, ainsi que toute personne appelée à assister aux réunions de ces organes, sont tenus de ne pas divulguer, même après la cessation de leurs fonctions, les informations dont ils disposent sur la SA et dont la divulgation serait susceptible de porter préjudice aux intérêts de la société, à l'exclusion des cas dans lesquels une telle divulgation est exigée ou admise par une disposition légale ou réglementaire applicable aux sociétés anonymes ou dans l'intérêt public.
Mise à jour: avril 2016