Le transfert du siège social d’une société résidente en France vers un autre état membre de l’Union Européenne
Le transfert du siège social d’une société résidente en France vers un autre état membre de l’Union Européenne était jusqu’au 1er janvier 2005 une opération complexe et coûteuse en raison d’obstacles juridiques et fiscaux.
L’article 221-2 du Code Général des Impôts disposait que le transfert du siège ou d’un établissement à l’étranger, qu’il se traduise ou non par un changement de la nationalité de l’entreprise, devait être traité fiscalement comme une cessation d’activité et entraînait donc une imposition immédiate. Aucune distinction n’était à opérer selon que le transfert avait lieu vers un état membre de l’Union européenne ou vers un autre état hors de l’Union.
Certes l’alinéa 3 de ce même article prévoyait une dérogation en cas de changement de nationalité de la société, mais seulement dans le cas où la France aurait signé avec le pays d’accueil une convention spéciale permettant ces opérations et conservant à la société sa personnalité juridique. Aucune convention de ce type n’a été signée dans la pratique.
Le droit communautaire consacre quant à lui la liberté d’établissement au sein de l’Union Européenne des personnes physiques et morales et l’article 48 du traité CE explicite le droit pour une société de se transférer dans un autre état membre, sous la seule réserve de respecter la législation de l’état d’accueil. La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes est constante sur ce point et a même reconnu qu’une société pouvait être créée dans un autre état membre dans le seul but de bénéficier d’une législation plus favorable, même si elle exerce l’essentiel de ses activités dans un autre état membre.
De plus, l’entrée en vigueur le 8 octobre 2004 du règlement communautaire n° 2157/2001 instituant la Société Européenne a encore plus fragilisé la position de l’administration française puisque l’article 8 de ce règlement prévoit explicitement que le transfert du siège statutaire de la Société Européenne dans un autre état membre « ne donne lieu ni à dissolution ni à création d’une personne morale nouvelle ».
Sensible à la doctrine européenne, le gouvernement français a finalement dû constater que l’article 221-2 du CGI empêchait dans la pratique le transfert du siège social d’une entreprise française à l’étranger, et il a inclus dans la loi de finance pour 2005 une disposition visant à rendre plus cohérent le régime fiscal, tout au moins pour les transferts à l’intérieur de l’Union Européenne.
L’article 34 de cette Loi de finance restreint désormais la portée de l’article 221-2 du CGI en précisant « le transfert de siège dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, qu’il s’accompagne ou non de la perte de la personnalité juridique en France, n’emporte pas les conséquences de la cessation d’entreprise». Ce transfert du siège implique que l’ancienne société française devienne un établissement stable de la société établie à l’étranger et poursuive la même activité, sans qu’il existe une sortie d’actif échappant à l’impôt sur les sociétés en France.
Dans la pratique, ce transfert n’entraînerait donc plus la taxation immédiate des bénéfices en sursis d’imposition et des plus-values latentes. En revanche les plus-values effectivement réalisées lors du transfert du siège resteraient immédiatement imposables.
Les transferts à l’extérieur de l’Union Européenne restent eux toujours lourdement taxés.