Économie


Mis à jour le 24 mars 2025 par Ufuk ZOBALI

échange automatique d'informations

Les lois sur l’échange d’informations au Luxembourg

Il existe, dans l’esprit du public, une confusion entre le secret bancaire, l’évasion fiscale et l’échange d’information.

La confusion est due au fait que l'évasion fiscale peut concerner beaucoup plus que les revenus de l'épargne, car historiquement, la lutte internationale contre cette évasion concernait la fraude liée à la non-déclaration des revenus de l'épargne.

L’évasion fiscale des revenus de l’épargne serait favorisée par le secret bancaire. Le moyen de lutter efficacement contre cette évasion serait l’échange d’information.

Dans la pratique, ces relations de cause à effet ne sont pas aussi simples ; il n’en reste pas moins que l’échange d’information, surtout s’il est automatique, a été perçu par le législateur comme un moyen efficace pour lutter contre la fraude fiscale transfrontalière.

On distingue trois formes principales d’échange d’informations fiscales :

  • L’échange sur demande : un État requiert des informations précises auprès d’un autre État.
  • L’échange spontané : un État transmet de sa propre initiative des informations à un autre État lorsqu’il estime qu’elles peuvent être utiles.
  • L’échange automatique : certaines informations (revenus, soldes de compte, dividendes, etc.) sont transmises de façon systématique et régulière entre les administrations fiscales.

Historiquement, l’échange sur demande était le plus courant, notamment via les conventions internationales contre la double imposition. Depuis 2015, l’échange automatique a pris une ampleur considérable, devenant le nouveau standard mondial.

Petit historique

1995 Sous l’impulsion de Mario Monti, alors commissaire européen, la lutte contre le secret bancaire au sein de l’Union européenne (UE) s’intensifie. Le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche résistent pour préserver leurs spécificités bancaires.
2003 Adoption de la Directive 2003/48/CE sur la fiscalité de l’épargne, imposant l’échange automatique des informations relatives aux intérêts versés aux non-résidents. Le Luxembourg bénéficie d’une période de transition et d’une clause de « level playing field » pour ne pas être pénalisé par rapport à la Suisse ou d’autres places financières non membres de l’UE.
2007-2008 La crise financière mondiale incite les grands États à accentuer leur lutte contre l’évasion fiscale. Les États-Unis adoptent la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), qui contraint les banques du monde entier à déclarer les avoirs détenus par des contribuables américains.
2011 L’UE adopte la Directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (dite DAC1), prévoyant l’échange automatique de cinq types de revenus (salaires, tantièmes, certaines assurances-vie, pensions et revenus immobiliers).
2014 Plusieurs textes luxembourgeois transposent la Directive 2011/16/UE et adaptent le cadre légal. La date butoir pour l’échange automatique de certaines informations est fixée au 1ᵉʳ janvier 2015.
2015 Le Luxembourg met fin au secret bancaire pour les résidents de l’UE et commence à transmettre les informations financières à ses partenaires. Deux lois du 25 novembre 2014 (l’une sur l’imposition de l’épargne, l’autre sur la procédure d’échange de renseignements sur demande) entrent en vigueur.
À partir de 2016-2017 Mise en œuvre progressive du CRS (Common Reporting Standard) de l’OCDE et de la Directive 2014/107/UE (DAC2) au Luxembourg. Les institutions financières luxembourgeoises transmettent désormais automatiquement les informations sur les comptes de leurs clients non-résidents (dividendes, intérêts, soldes, revenus de ventes de titres, etc.) aux autorités fiscales, qui les partagent avec les pays concernés.
Depuis 2018 Les évolutions successives de la Directive sur la coopération administrative (DAC3, DAC4, DAC5, DAC6, DAC7…) ont progressivement élargi le champ d’application de l’échange automatique,  incluant des informations sur les rulings fiscaux, les déclarations pays par pays (CbCR), certaines planifications fiscales potentiellement agressives et, plus récemment, l’activité des plateformes numériques.

L’arsenal législatif luxembourgeois en 2025

1) Mise en œuvre de la Directive 2011/16/UE (DAC1) et de ses modifications ultérieures 

Les lois du 29 mars 2013 et du 26 mars 2014, transposant la Directive 2011/16/UE (DAC1), ont instauré un échange automatique sur certains revenus (salaires, tantièmes, pensions…).

La directive demandait que cinq types de revenus soient échangés automatiquement, à savoir : les revenus professionnels, les tantièmes, certains produits d’assurance-vie, les pensions et les revenus provenant de biens immobiliers, et cela, pour la première fois pour les revenus de 2014 (donc à communiquer avant le 30 juin 2015).

Le Luxembourg s’était engagé à communiquer automatiquement, pour le 30 juin de chaque année, les informations que son administration fiscale possédait déjà ou pouvait obtenir facilement, à savoir les revenus luxembourgeois provenant d’une activité salariée, les tantièmes et les pensions (en réalité, les revenus passibles d’une retenue à la source).

2) La loi du 25 novembre 2014 sur l’imposition de l’épargne et l’échange automatique d’information

À partir du 1ᵉʳ janvier 2015, cette loi a profondément modifié la fiscalité de l’épargne. Elle a mis un terme à la retenue à la source transitoire qui pouvait encore exister pour certains bénéficiaires non résidents.

Depuis 2015, la règle est explicitement de pratiquer l’échange automatique d’informations pour les résidents fiscaux d’autres États membres de l’UE (et, au-delà, de nombreux pays tiers signataires du CRS).

3) La procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande

La loi du 25 novembre 2014 relative à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale a précisé les conditions de forme requises pour qu’une administration étrangère obtienne des informations.

Le Luxembourg est tenu de répondre à toute demande conforme aux standards internationaux. Les banques et autres dépositaires d’informations financières doivent coopérer, et aucun recours suspensif ne peut bloquer une demande légitime.

Les développements récents (DAC6, DAC7, vers DAC8)

Adoptée au niveau de l’UE en mai 2018, la Directive (UE) 2018/822 relative à l’échange obligatoire d’informations dans le domaine fiscal pour les dispositifs transfrontaliers (communément appelée DAC6) est entrée en vigueur progressivement à partir de juillet 2020. Au Luxembourg, elle a été transposée par la loi du 25 mars 2020, qui précise les modalités d’application et les obligations déclaratives pesant sur les intermédiaires et, sous certaines conditions, sur les contribuables concernés.

L’objectif principal de DAC6 est d’obliger les intermédiaires (experts-comptables, conseillers fiscaux, banques, etc.) ou, à défaut, les contribuables eux-mêmes, à déclarer à l’administration fiscale des « dispositifs transfrontaliers » susceptibles de présenter un risque d’évasion ou d’optimisation fiscale agressive. Une fois ces informations collectées, l’administration fiscale luxembourgeoise les transmet de manière automatique aux autres États membres de l’UE.

La Directive (UE) 2021/514 du 22 mars 2021, dite DAC7, marque une nouvelle étape de la coopération administrative au sein de l’UE. Transposée progressivement jusqu’en 2023, la législation luxembourgeoise en la matière renforce le mécanisme d’échange automatique d’informations, cette fois-ci centré sur les plateformes numériques.

DAC7 concerne les revenus tirés de la participation à l’économie collaborative : location de biens immobiliers (Airbnb, par exemple), services (transport, livraison, freelancing, etc.) ou vente de biens (places de marché en ligne). DAC7 doit permettre aux autorités fiscales de collecter plus aisément les informations relatives aux revenus perçus via ces plateformes, afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.

La prochaine étape de la coopération administrative, dite DAC8, est encore en cours de finalisation au niveau de l’UE. Elle vise à intégrer les cryptoactifs (cryptomonnaies, jetons non fongibles – NFT, stablecoins, etc.) dans le dispositif d’échange automatique d’informations, reflétant :

  • L’essor de cette classe d’actifs : de plus en plus d’investisseurs, d’entreprises et de particuliers y recourent.
  • La volonté de lutter contre l’opacité : les transactions en cryptoactifs peuvent facilement sortir du radar fiscal si elles ne font pas l’objet d’un reporting obligatoire.

Le but de DAC8 est d'identifier les détenteurs de cryptoactifs et de recourir au reporting systématique de leurs transactions, y compris les plus-values, revenus de staking, intérêts, etc. Avec des obligations déclaratives pour les plateformes d’échange de cryptomonnaies, les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) et/ou tout autre intermédiaire facilitant l’achat, la vente ou la garde de ces actifs.

Conclusion

Le Luxembourg a complètement intégré les standards internationaux en matière de transparence fiscale. Le secret bancaire à des fins fiscales n’existe plus pour les non-résidents et l’échange automatique d’informations est devenu la norme, qu’il s’agisse :

  • Des revenus d’intérêt, de dividendes, de plus-values, de royalties, etc.
  • Des soldes de compte, mouvements financiers et toute information pertinente pour déterminer l’impôt dans le pays de résidence du bénéficiaire.
  • Désormais également, de l’activité sur plateformes numériques ou encore des cryptoactifs (lorsque DAC8 sera pleinement en vigueur).

Si les « mailles du filet » pouvaient paraître larges il y a dix ans, elles se sont aujourd’hui considérablement resserrées.

L’objectif : lutter contre la fraude fiscale transfrontalière et garantir plus d’équité pour les contribuables. Les évolutions législatives récentes (et celles à venir) témoignent de la volonté des institutions européennes et internationales de poursuivre cette dynamique d’échange d’informations, dans un cadre toujours plus standardisé et étendu à un nombre croissant de juridictions.


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