Comptabilité


Mis à jour le 15 janv. 2015 par Denis Colin

LPG Luxembourg : l'histoire de la comptabilité.

La très longue histoire de la comptabilité

par Denis COLIN, expert-comptable

Une histoire qui commence avant l'invention de l'écriture

L'invention de la comptabilité (-3.600 av. J.C.) a précédé l'invention de l'écriture (-3.300 av. J.C.).

L'histoire de la comptabilité a en fait commencé au milieu du quatrième millénaire avant notre ère à Sumer, entre le Tigre et l'Euphrate, où l'on a retrouvé les premiers témoignages écrits de l'inventaire de biens et de l'enregistrement d'échanges au moyen de tablettes d'argile gravées de pictogrammes. Ces comptes sont du type « à postes superposés », comportant les augmentations en haut et les diminutions en bas.

Quelques centaines d'années plus tard, les Egyptiens ont suivi une voie analogue à celle des Sumériens. La tenue comptable était bien sûr le domaine réservé des scribes. Au départ, seul le support d'écriture est différent : le papyrus, plus léger et plus maniable que les tablettes d'argile, est également plus sensible aux dégradations. Mais les scribes ont su faire évoluer les techniques comptables au fil du temps. C'est notamment eux qui ont imaginé les premiers la méthode des « comptes à colonnes séparées ». Plus tard, les Egyptiens de la période hellénique, qui savaient enregistrer des recettes, des loyers et des dépenses, ont montré qu'ils savaient également falsifier des comptes ou effectuer des enregistrements fictifs pour redresser certaines situations douteuses !

La comptabilité grecque fut également très développée puisque les offrandes aux dieux se devaient d'être comptabilisées sur des plaques de marbre ou de calcaire (on en a retrouvé de nombreux vestiges). Au-delà de sa fonction religieuse, la comptabilité avait bien sûr en Grèce comme ailleurs une fonction économique. Les Grecs ont du reste été les premiers à doter la comptabilité de la technique du virement (en mouvementant un même compte « tiers » en positif et en négatif pour éviter les transports de valeurs).

La civilisation latine a quant à elle été la première a commencer à mécaniser le calcul, à l'aide de l'abacus, composé d'une table qui comporte plusieurs rainures parallèles, figurant les ordres de chiffres, dans lesquelles on pouvait faire glisser des petits cailloux et on obtenait ainsi l'équivalent romain des bouliers asiatiques.

La chute de l'Empire romain marque le début d'une période de recul des échanges. Le volume des transactions diminue considérablement, et les techniques commerciales et comptables périclitent.

La Renaissance des techniques comptables

Au fil des siècles, les négociants italiens se réapproprient les techniques antiques. Ils finiront même par dépasser les techniques anciennes par la mise en place de « tableaux par type d'opération », qui présentent le débit et le crédit sur deux colonnes.

Vers la fin du XIIIè siècle, les Vénitiens et les Florentins tiennent des comptabilités encore plus complexes : un compte par « client » ou par « fournisseur », chacun avec son débit et son crédit. Ils passent deux écritures pour chaque opération : une sur ces comptes « clients » ou « fournisseurs » et une sur le compte de caisse. Chaque écriture a obligatoirement une contrepartie. Le compte débité doit être égal au montant du compte crédité. C'est la naissance de la comptabilité en partie double appelée à ses débuts « méthode comptable vénitienne ».

Luca Pacioli, père de la comptabilité ?

A partir de la fin du XIVè siècle, des savants, des intellectuels, des mathématiciens vont commencer à rédiger des traités de comptabilité, comme Luca Pacioli.

Luca Pacioli est un fils d'artisan, placé très jeune chez un marchand de vin ou il apprend le commerce. Il entre ensuite dans les ordres pour pouvoir s'adonner à l'étude des mathématiques. Il publie en 1490 une œuvre majeure, la Summa di arithmetica, geometrica, proportione et proportionalita. Cet ouvrage, dont on peut traduire le titre par « Traité d’arithmétique, de géométrie, des proportions et de la proportionnalité » n'a pas un contenu exclusivement arithmétique puisqu'on y lit aussi de longs développements sur les usages des marchands dans les principales régions du monde, ou sur la manière dont il convient de gérer une entreprise.

Dans le domaine comptable, Luca Pacioli n'invente rien. Il expose simplement dans un langage simple et compréhensible par tous les détails de la « méthode vénitienne », qui supposait selon lui l'utilisation de trois livres de comptes : le mémorial, le journal et le grand livre. Luca Pacioli explique la préparation et la tenue de ces livres, comment les ouvrir et les fermer (de préférence chaque année), comment rectifier les erreurs en passant des contre-écritures, comment tirer sa balance et constater le bénéfice ou le déficit. Il explique comment la fonction d'enregistrement chronologique est réservée au journal, la fonction d'enregistrement analytique est le domaine du grand-livre et la fonction de vérification est dévolue à la balance. Il donne même quelques conseils pratiques pour la tenue des archives !

Vers la modernisation de la tenue comptable

Les grands principes comptables étant posés, la méthode comptable n’évoluera plus au fil des siècles. Seules les techniques d’organisation comptables évolueront encore significativement.

Il y aura d’abord la technique de tenue des comptes sur feuillets mobiles, proposée par Quiney en 1817, pour permettre de réduire les risques d'erreur de report.

Puis la technique du décalque manuel, inventée par Bach en 1904, où la fiche servant de compte est superposée sur le document servant de journal (en intercalant une feuille de papier carbone) de sorte que le mouvement inscrit sur le compte se décalque sur le journal.

Puis c'est le système centralisateur (qui facilite la division du travail comptable dans les grandes manufactures) qui est inventé dans les années 1920 par Léon Batardon et Armand Delbousquet. Cette méthode suggère l'ouverture simultanée de plusieurs journaux auxiliaires spécialisés dans l'enregistrement d'une catégorie d'opérations (achats, ventes, trésorerie, opérations diverses). Quotidiennement, les opérations sont enregistrées sur les journaux auxiliaires tandis que les écritures sont ensuite centralisées mensuellement dans un journal centralisateur reporté dans les comptes généraux.

Enfin, à compter des années 60, la comptabilité commence à s'informatiser avec les ordinateurs Bull Gamma 60 ou IBM 1410, qui utilisaient essentiellement des fichiers séquentiels (cartes perforées, bandes magnétiques) en respectant la logique du traitement manuel.