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Publié le 28 avr. 2023 par Laura PERSONENI

La place du télétravail au Luxembourg

Le télétravail est une organisation de travail qui permet au salarié d’accomplir son travail de manière plus souple et ce, en garantissant à son employeur la bonne exécution du contrat de travail. Ce mode de travail est l’exception.

Le télétravail se caractérise plus précisément par l’exécution d’un travail :

  • Grâce à des moyens utilisant des technologies de l’information et de la communication (TIC)
  • Au domicile du salarié ou dans un espace de travail différent de celui de l’employeur (espace de coworking par exemple) ;

Du point de vue du législateur, parmi les objectifs de cette formule, il s’agit, entre autres, d’alléger le trafic routier pour les frontaliers qui vont de et vers le Luxembourg et de diminuer le stress et la pollution liés aux transports et aux embouteillages. Le salarié peut quant à lui trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Le salarié serait ainsi plus efficace et disponible.

Le cadre légal

Le télétravail est régi par les dispositions du Code du Travail et plus récemment par la convention des partenaires sociaux (OGBL, LCGB et UEL) du 20 octobre 2020 relative au régime juridique de télétravail et qui a été déclarée d’obligation générale par le règlement grand-ducal du 22 janvier 2021. Cette convention s’impose à tous les employeurs et à tous les salariés.

Que ce soit indiqué dans le contrat de travail initial ou dans un avenant, le salarié et l’employeur décident ensemble, d’un commun accord, de la formule de télétravail.

Puisqu’il s’agit d’un système de travail particulier, différentes mentions ayant trait au télétravail doivent apparaître dans le contrat de travail ou l’avenant, en plus des mentions usuelles :

  • Le lieu dans lequel le salarié preste le télétravail ;
  • Une description exhaustive des fonctions et tâches du salarié, ainsi que les différents objectifs qu’il a pour mission d’atteindre ;
  • La classification du salarié télétravailleur dans le cadre de la convention collective, s’il en existe une ;
  • Les heures ou jours de la semaine dédiés au télétravail et où le télétravailleur doit être joignable ;
  • L’outil de travail mis à disposition du salarié, qui doit être alors entretenu par l’employeur ;
  • Les informations qui concernent les assurances engagées par l’employeur en cas de disparition ou détérioration du matériel pour cause de dégâts des eaux, d’incendie ou encore pour vol.
  • Le montant que l’employeur prend en charge au titre des coûts directement engendrés par le télétravail (sous la forme d’un montant forfaitaire mensuel à convenir d’un commun accord par écrit). Ce montant doit être cohérent et proportionnel aux dépenses engagées par le salarié (on observe généralement un montant de l’ordre de 25€ par mois).

Le salarié n’est pas dans l’obligation d’accepter une proposition de télétravail et son refus n’implique pas un licenciement.

Si le salarié télétravailleur souhaite ensuite repasser à une formule de travail classique, il faut l’accord des deux parties au contrat et faire un avenant à celui-ci afin d’énoncer les nouvelles mentions qui en découlent (lieu de travail, horaires, conditions de travail).

Le salarié

Le salarié télétravailleur est soumis aux mêmes obligations et bénéficie des mêmes droits que s’il travaillait dans les locaux de la société.

Parallèlement aux droits et obligations classiques, le télétravailleur doit :

  • Gérer l’organisation de son travail ;
  • Entretenir un contact avec ses collègues ;
  • Respecter les règles de la société en ce qui concerne la protection des données ;
  • Respecter les mesures de sécurité et de santé ;
  • Se conformer aux règles établies par l’employeur ;
  • Prévenir l’employeur si le matériel mis à disposition connaît un dysfonctionnement, prendre soin des équipements mis à disposition ;
  • Être informé des différentes nouvelles qui touchent la société (vie courante, situation de l’employeur).
  • Se fixer une discipline et un cadre de travail

Le télétravail peut constituer des avantages pour les salariés :

  • Meilleur équilibre de vie entre professionnelle et personnelle
  • Gain de temps et du coût des transports
  • Lorsque le salarié est capable de s’astreindre une stricte discipline de travail, une meilleure concentration et productivité (pas de perturbations liées à l’open space, par exemple)
  • Gestion automne du temps de travail

Mais aussi des inconvénients :

  • Perte de motivation, sentiment d’isolement
  • Difficultés à s’organiser et à travailler assidument à la maison

L’employeur

Tout comme le salarié, l’employeur doit respecter certaines règles, à savoir :

  • Fournir au besoin un équipement conforme nécessaire au télétravail et en assurer les frais de réparation ;
  • Financer les dépenses liées au télétravail (prise en charge du téléphone personnel par exemple) ;
  • Respecter la vie privée du salarié ;
  • Informer le salarié des différentes restrictions en termes d’usage du matériel informatique mis à disposition (internet, email, téléchargements) ;
  • Assurer une compensation au salarié en cas de perte d’avantages
  • Assurer une surveillance des salariés en télétravail

Pour les entreprises, le télétravail peut permettre :

  • De réaliser des économies sur les charges variables des locaux et les dépenses courantes (électricité, chauffage, nettoyage)
  • De réduire l’absentéisme des salariés (un salarié pourra télétravailler même s’il se sent malade ou s’il garde un enfant malade). Il a d’ailleurs été constaté que les entreprises qui recourent largement au télétravail voient leur taux d’absentéisme diminuer.
  • De flexibiliser le travail et d’augmenter la motivation et l’implication des salariés (un salarié pourra travailler davantage lors d’une journée ou d’une semaine chargée)
  • De recruter de nouveaux collaborateurs sensibles au télétravail dans leur vie professionnelle
  • De renforcer la loyauté de ses salariés (un employé satisfait de son organisation de travail sera moins enclin à la recherche d’un autre poste)

L’impact sur la relation de travail

Le télétravail a des répercussions sur les relations de travail. Si le télétravail représente davantage de liberté pour les télétravailleurs, il oblige le salarié à savoir travailler en autonomie et à faire preuve de responsabilisation. Il ne signifie pas pour autant une perte de contrôle pour l’employeur qui peut :

  • Préparer l’organisation du télétravail
  • Cadrer la pratique (charte, règlement intérieur)
  • Mettre en place des feedbacks

Toutefois, dans la pratique, il faut reconnaitre que la surveillance par l’employeur des salariés en télétravail est en général plus difficile (et plus coûteuse) à organiser.

Le cadre fiscal

Les conventions fiscales bilatérales entre le Luxembourg et différents Etats tiers ont pour objectif d'éliminer les doubles impositions. Selon les conventions internationales contre les doubles impositions, les salariés sont en principe imposés dans l'état où la profession est exercée. Des aménagements à ces dispositifs ont néanmoins été mis en place pour favoriser le télétravail. Ainsi, des accords ont été signé et fixent un seuil à ne pas dépasser :

  • Belgique : maximum 34 jours par an hors du Luxembourg
  • Allemagne :  maximum 34 jours par an hors du Luxembourg
  • France : maximum 34 jours par an hors du Luxembourg

Si le seuil est dépassé pour ces pays, c'est alors l’ensemble des jours de travail prestés dans le pays de résidence qui sont imposables dans le pays de résidence.

Exemple : un frontalier belge employé pour une société luxembourgeoise et qui travaille de manière occasionnelle en dehors du territoire luxembourgeois reste imposé au Luxembourg si l’activité exercée en Belgique n’excède pas 34 jours. Si en revanche, il travaille 35 jours en Belgique, alors il devient imposable en Belgique pour ces 35 jours et non pas un seul jour.

Le régime de sécurité social

Le salarié télétravailleur a droit à la même protection sociale que les salariés de la société qui ont un contrat de travail classique, notamment en matière d’assurance accident. Les personnes qui résident en dehors du Grand-Duché de Luxembourg restent affiliées au régime luxembourgeois de sécurité sociale à condition de ne pas travailler plus de 25% dans leur pays de résidence (environ 1,5 jour par semaine pour un temps-plein, calculé sur douze mois).

Exemple : Marie réside en France et est une salariée d’une société luxembourgeoise. Elle travaille 80% de son temps de travail en France et 20% au Luxembourg. Ses cotisations sociales seront entièrement calculées en France (au taux français) et versées aux organismes français.

Les limites

Le système de télétravail peut néanmoins connaître quelques limites :

  • Risque de rupture de lien social ;
  • Insécurité quant aux données informatiques qui sortent des locaux de la société ;
  • Problématiques d’imposition ;
  • Difficulté pour l’employeur à accorder la confiance au salarié ;
  • Difficulté à transmettre le savoir faire d’un salarié à l’autre ;
  • Baisse de la productivité chez certains salariés ;
  • Contraintes légales et fiscales pour les frontaliers qui peuvent rencontrer des difficultés pour démontrer qu'ils sont restés en deçà des plafonds sociaux et fiscaux évoqués dans les paragraphes précédents.

La responsabilité partagée

L’employeur et le télétravailleur doivent effectuer un suivi précis des jours de télétravail annuel par le biais d’un registre signé.

L’employeur et les télétravailleurs doivent notamment porter une attention toute particulière aux non-résidents afin qu’ils ne dépassent pas le seuil du nombre de jours autorisés en fonction de leur pays de résidence.

Dans le cas contraire, cela engendrerait des impacts pour la société :

  • Fiscalité de l’entreprise : le dépassement des jours autorisés risque de constituer un établissement stable dans le pays de résidence du télétravailleur. L’entreprise devrait alors remplir les obligations fiscales du pays en question.
  • Charges sociales : le salarié en dépassement du seuil se verrait affilié dans son pays de résidence. Cette affiliation engendrerait un cout plus important des charges patronales.

Les employeurs qui se risqueraient à faire de fausses déclarations encourent des sanctions lourdes (amendes, peines de prison).

De son côté, le salarié qui dépasse le nombre de jours autorisés par le règlement de sécurité sociale se verra affilié dans son pays de résidence avec une adaptation des cotisations sociales pour la part salariale et éventuellement la perte d’allocations familiales. Cela impactera également sa fiscalité personnelle.

Le Luxembourg et le télétravail

Le contexte de la lutte contre la propagation du Covid a propulsé le Luxembourg vers une généralisation du télétravail pour un bon nombres de sociétés lors du confinement de mars 2020. 53% des postes y étaient télétravaillables.

Le contexte du Covid a permis des accords qui ont été signés afin que le télétravail d‘un salarié frontalier n’ait pas d’incidences au niveau fiscal et pour que ces télétravailleurs restent affiliés au régime de sécurité sociale luxembourgeois.

Des échanges sont actuellement en cours au niveau européen pour trouver une solution commune au télétravail et sur la possibilité de porter le seuil des 25% actuellement prévus jusqu’à 49% dans le règlement européen. Il s’agirait de permettre d’avoir recours au télétravail jusqu’à 2 jours par semaine en moyenne sans que l’affiliation à la sécurité sociale ne change.