Chantier à l'étranger et notion d'établissement stable
Lorsqu'une société française intervient sur un chantier de montage au Luxembourg, doit-elle s'acquitter de l'impôt au Luxembourg ?
Lorsqu'une société luxembourgeoise intervient sur un chantier de construction en France, doit-elle s'acquitter de l'impôt en France ?
Les réponses se trouvent dans la convention fiscale signée entre la France et le Luxembourg et plus particulièrement à l'article 2.3 qui développe la notion d'établissement stable.
Ce point de la convention fiscale franco-luxembourgeoise précise que les bénéfices d'une société d'un État ne peuvent être imposés dans un autre État que si elle y dispose d'un établissement stable.
Cette notion d'établissement stable est définie dans la convention modèle de l'O.C.D.E. comme une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité.
La convention donne quelques exemples comme un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine, un atelier ou un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois1. C'est ce dernier point particulier qui va nous intéresser ici.
1- Au niveau de la durée:
Un chantier de construction ou de montage qui ne dépasse pas 6 mois (dans le cas de la convention fiscale franco-luxembourgeoise) ne constitue pas un établissement stable même si le chantier comprend un bureau ou un atelier. Cependant, si un même bureau ou atelier est utilisé pour plusieurs chantiers, il peut être considéré comme un établissement stable si les activités développées à partir de celui-ci dépassent le caractère préparatoire ou auxiliaire2.
Cette période de 6 mois débute dès les activités préparatoires exécutées dans le pays ou la construction sera édifiée (par exemple l'installation d'un bureau d'étude) et peut s'étendre sur plusieurs années civiles.
Il faut aussi apprécier cette durée de 6 mois chantier par chantier. Si un entrepreneur participe à plusieurs chantiers ayant chacun une durée inferieure à 6 mois, il n'y a pas établissement stable même si la durée totale des travaux excède 6 mois. Cette condition s'appliquera si aucun lien commercial ou géographique ne peut être manifestement constaté entre les chantiers.
2- Au niveau de la nature du chantier :
Par «chantier de construction ou montage», on entend aussi bien la construction de bâtiment que celle de route, de pont, le terrassement ou le drainage. Si elles sont effectuées par l'entreprise elle-même, les activités de surveillance et d'organisation font partie intégrante de l'établissement stable.
De fait, nous pouvons constater qu’une activité autre que la construction ou le montage dans un pays, même pendant plus de 6 mois, ne serait pas assimilée à un chantier, et qu’il n’y aurait établissement stable qu’en présence d’une installation fixe d’affaires quelque soit la durée de présence.
Ce serait le cas par exemple d’une société informatique française qui interviendrait au Luxembourg auprès d’une banque pour une refonte totale de son système informatique. Même durable et supérieure à 6 mois, cette présence ne constituerait pas un établissement stable.
Tableau comparatif des durées déclenchant l'existence d'un établissement stable lors d'un chantier de construction ou montage à l'étranger en fonction des pays:
Convention fiscale France - Luxembourg | 6 mois |
Convention fiscale Suisse - Luxembourg | 12 mois |
Convention fiscale Bulgarie - Luxembourg | 6 mois |
Convention fiscale Luxembourg - Roumanie | 9 mois |
Convention fiscale Luxembourg - Canada | 12 mois |
1 – durée raccourcie dans de nombreuses conventions fiscales luxembourgeoises, par exemple 6 mois avec la France et la Bulgarie ou 9 mois avec la Roumanie
2 – article 5-3 du modèle de convention fiscale de l'OCDE