Droit des sociétés


Mis à jour le 8 sept. 2017 par LPG

Filiale ou succursale pour son implantation à l'étranger

S'implanter à l’étranger : choisir la succursale ou la filiale ?

L'implantation en France, en Allemagne ou en Belgique de sociétés luxembourgeoises peut prendre des formes très variées qui répondent à toutes les stratégies de développement des investisseurs étrangers.

Le choix de la structure d'implantation à l'étranger dépend du but poursuivi par l'investisseur et du degré d'autonomie souhaité par rapport à la société mère. L'option choisie entraîne un statut juridique et fiscal particulier.

De ce fait, nous présenterons les deux principales solutions d’implantation : la filiale et la succursale, d’abord au niveau du droit des sociétés, ensuite au niveau du droit fiscal et enfin des modalités pratiques d’implantation dans les différents pays.

1. Au regard du droit des sociétés

1.1 La Filiale

Une filiale est une société de nationalité locale, indépendante juridiquement de la maison mère et contrôlée majoritairement par celle-ci.

1.1.1. Avantages

  • La filiale ayant la nationalité du pays dans lequel elle est établie, cela permet une meilleure assimilation dans les marchés, et donne aussi une « couleur locale » à la société, ce qui peut être un facteur rassurant pour les clients;
  • Puisqu'une filiale et sa maison mère sont des entités légalement distinctes, la responsabilité juridique de la maison mère envers sa filiale est limitée; l’absence de responsabilité découle de la personnalité juridique dont est titulaire la filiale;
  • La société mère n'est responsable des engagements de la filiale qu'à concurrence du capital qu'elle a souscrit dans cette filiale. Elle n'est pas automatiquement engagée à 100% - comme avec la succursale - par les actes de sa filiale. On notera toutefois que par le biais des cautions, souvent exigées de la maison mère, les engagements peuvent aller au-delà du capital initial;
  • Elle peut souvent plus facilement postuler à l'attribution d'aides publiques lors de son implantation et de son extension.

1.1.2. Inconvénients

  • Dans certaines branches d'activités telles que la banque, la finance, les assurance ou encore l'immobilier, il est légalement plus difficile d'établir une filiale. Ces branches d'activités ont des formes plus spécifiques et nécessitent des autorisations particulières qui vont réduire la possibilité de se constituer comme filiale;
  • L'investissement de départ et les coûts fixes d'implantation sont élevés;
  • La formule suppose un engagement à moyen ou à long terme qui implique un risque plus élevé, notamment d'ordre politique ou commercial lorsque les conditions de concurrence se modifient;
  • Elle exige des formalités de création assez importantes (capital minimum, actes de création, ...).

1.2. La Succursale

Trois conditions sont nécessaires à la création d'une succursale :

• une installation et une organisation matérielles propres et tout à fait distinctes de celles de l'établissement principal;

• dirigée par un représentant de l'établissement principal qui a suffisamment de pouvoir pour jouir d'une certaine indépendance d'exploitation;

• une clientèle propre qui la connaît personnellement et s'adresse directement à elle sans passer par l'établissement principal.

1.2.1. Avantages

  • Les actes de constitution sont limités;
  • L'implantation d'une succursale nécessite un minimum de formalités juridiques;
  • Il n'est pas nécessaire de disposer de capital propre; le capital de dotation peut être de zéro euro. S'il y a un capital, il sera mis à disposition par la maison mère.

1.2.2. Inconvénients

  • Contrairement à la filiale, la succursale doit communiquer annuellement au fisc des données financières, parfois confidentielles, relatives à la maison mère étrangère;
  • En cas de difficultés financières, elle engage indéfiniment et solidairement la société étrangère au paiement de ses dettes;
  • Une succursale peut difficilement passer des contrats (cession ou concession de brevet, licences d'exploitation, de procédés...) avec l'entreprise dont elle dépend, car elles ne constituent qu'une seule entité juridique.

2. Au regard du droit fiscal

2.1. La Filiale

2.1.1. Avantages

Sur le plan fiscal et comptable, la filiale est tenue à un formalisme plus important que la succursale. Elle doit nommer un conseil d'administration, réunir une assemblée générale, apporter un capital social, ou encore publier ses comptes annuels.

Toutefois, un certain nombre d´avantages incombent à la filiale :

  • Le capital d'une filiale peut être ouvert à de nouveaux investisseurs;
  • La capacité de rapatrier ou de distribuer des bénéfices nets avec peu ou aucune retenue de taxe sur les dividendes;
  • Des droits de constitution sont dus, mais l'exonération des droits de constitution par incorporation est possible dans certaines conditions;
  • Les montants facturés par une société mère à sa filiale sont déductibles;
  • Les frais de gestion, intérêts débiteurs et redevances versés à des sociétés liées, sont déductibles s'ils correspondent à des prestations effectivement fournies et si les opérations sont facturées au prix du marché;
  • Une gestion fiscale plus aisée et en général moins coûteuse puisque la filiale conserve la possibilité de choisir de distribuer ou non son résultat. Cette distribution sera systématiquement supposée effectuée dans le cas d'une succursale;
  • Une directive Intérêts Redevances du 3 juin 2003 permet la suppression totale de toutes retenues à la source pour tous paiements d'intérêts ou de redevances entre sociétés liées (25% direct ou indirect) dont les sièges sont sis dans l'Union Européenne.

2.1.2. Un régime particulier : le régime mère – fille

Ce régime présente deux avantages :

• Il évite que les bénéfices de la filiale distribués à la société mère soient soumis à une double imposition au titre de l'impôt sur les sociétés.

• Il permet l'élimination de toute retenue à la source sur les dividendes provenant de filiales.

  • Exonération des dividendes reçus, du boni de liquidation et des plus-values de cession, selon la nature, l'importance et la durée de détention des participations;
  • Pas de retenues à la source sur les dividendes distribués entre sociétés résidentes de l'Union Européenne ou application des taux réduits conventionnels;
  • Possibilité d'imputer sur le bénéfice dégagé par d'autres activités imposables les charges financières supérieures aux produits des participations, les moins-values de cession de participations et les crédits d'impôt étrangers.

L'option pour le régime spécial est annuelle et n'est soumise à aucune déclaration particulière. Elle résulte de l'inscription des dividendes sur la ligne adéquate des imprimés de déclaration.

Elle doit être exercée pour l'ensemble des produits reçus d'une même filiale, mais le choix peut varier d'une filiale à l'autre.

Mais l'institution du régime d'intégration fiscale des groupes a réduit l'intérêt de celui des sociétés mères – filiales.

2.1.3. Le régime d'intégration fiscale

Ce régime permet à une société mère, dite « tête de groupe », de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés à raison du résultat d'ensemble réalisé par le groupe qu'elle forme avec les sociétés dont elle détient, directement ou indirectement, 95% du capital pendant au moins un exercice.

Ce régime particulièrement complexe est ouvert sur option à l'ensemble des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, quelle que soit leur activité.

Il permet une compensation intégrale des résultats bénéficiaires et déficitaires au sein du groupe fiscal.

Le groupe peut être formé par la société mère et une ou des sociétés dont elle détient 95% au moins du capital, soit directement, soit indirectement, si la ou les sociétés intermédiaires sont elles mêmes membres du groupe. Ce pourcentage de détention doit être maintenu pendant au moins un exercice.

L'application du régime d'intégration fiscal est subordonnée à une option de la société mère qui l'engage pendant cinq exercices. Elle doit être exercée avant l'ouverture du premier exercice au titre duquel le régime s'applique. Cette option doit être notifiée au service des impôts dont relève la société mère. Elle doit être accompagnée de l'accord formel des filiales intégrées.

2.2. La Succursale

2.2.1. Avantages

Il existe certains avantages fiscaux relatifs au démarrage des opérations d'une succursale, notamment :

  • Peu ou pas de droits de constitution.

2.2.2. Inconvénients

  • Etant donné qu'elle ne peut pas passer de contrat avec la maison mère, elle ne peut pas profiter des éventuels avantages fiscaux résultant de ce type d'acte;
  • Les résultats bénéficiaires sont immédiatement appréhendés par le siège et donnent en principe, lieu à un prélèvement à la source;
  • L'Etat dans lequel se trouve une succursale a le pouvoir d'examiner les comptes de l'entreprise dans son ensemble en cas de contrôle fiscal pour vérifier la sincérité des résultats déclarés.

3. Modalités pratiques d'implantation d'une filiale chez nos voisins

3.1. En France

La création d'une filiale en France reste relativement simple, même si l'assistance d'un conseiller juridique spécialisé est recommandée.

Elle nécessite un capital minimum de 1 € pour la SARL et de 37 000 € pour la SA.

Le nombre d'associés sera au minimum de 1 pour une EURL, 2 pour la SARL et 7 pour la SA.

La constitution se fera par acte notarié ou sous seing privé. La demande d'immatriculation se fera au Centre de Formalités des Entreprises (CFE). Ce guichet unique permet d'effectuer l'ensemble des déclarations en un seul lieu, sur un seul document.

Il transmet les différentes pièces du dossier auprès des organismes compétents : greffe du tribunal, INSEE, services fiscaux, caisse d'assurance maladie, caisse d'assurance vieillesse, URSSAF, ASSEDIC, inspection du travail.

En principe, le dossier est validé et traité dans un délai d'un jour franc à compter de sa réception par le greffe.

En général, le délai d'immatriculation de l'entreprise au Registre du Commerce et des Sociétés est d'environ deux semaines.

La filiale est soumise à toutes les dispositions du droit français (Droit des sociétés, Droit du travail, de comptabilité, ...).

3.2. En Allemagne

Le délai moyen de création d'une filiale en Allemagne est en général de six semaines, mais il peut atteindre six mois.

Les modalités de création de la filiale sont assez lourdes car cela demande de nombreuses autorisations et recherches préalables.

Le nombre minimum d'associés est de 2 pour une GmbH (SARL) et de 7 pour une AG (SA).

Le capital minimum est de 25 000 € pour une GmbH et de 50 000 € pour une AG.

La rédaction des statuts se fait chez le notaire et devra être suivie d'une recherche d'antériorité pour la dénomination sociale de la filiale auprès du tribunal d'instance (Amstgericht) du lieu d'implantation de l'entreprise.

Le dossier doit être approuvé par la chambre de commerce et des sociétés et enregistré par le juge du tribunal.

Pour l'immatriculation de l'entreprise au Registre du Commerce et des Sociétés, malgré la création d'un équivalent du Centre des Formalités des Entreprises Françaises (Gewerbeamt), il vaut mieux que le créateur prenne directement contact avec chaque organisme car ce guichet unique n'évite pas les embûches bureaucratiques. Ce n'est qu'à dater de l'immatriculation qu'elle acquiert la personnalité morale.

3.3. En Belgique

Les formalités de création d'une filiale en Belgique restent relativement lourdes.

Le nombre minimum d'associés est de 2 pour une SPRL, de même que pour une SA.

Le capital minimum est de 18 500 € pour une SPRL et de 61 500 € pour une SA.

Elle nécessite la présence d'un notaire pour la rédaction et la signature des statuts de l'entreprise. Ceux-ci doivent d'ailleurs être rédigés en français pour une société s'établissant en Wallonie, ou en néerlandais pour une société s'établissant en Flandres.

Pour une SPRL, un plan financier sur deux ans est établi de préférence, mais pas obligatoirement, par un expert comptable, et est conservé chez le notaire. En cas de difficultés, il peut servir de document de référence pour mettre en jeu la responsabilité des associés fondateurs, si ceux-ci n'ont pas apporté un capital suffisant compte tenu de l'activité envisagée.

Ce plan financier n'est pas obligatoire dans le cas d'une SA, même s'il est fortement recommandé.

4. Modalités pratiques d'implantation d'une succursale chez nos voisins

4.1. En France

La création d'une succursale nécessite l'accomplissement d'un certain nombre de formalités :

  • une déclaration d'investissement direct au Ministère de l'Economie et des Finances
  • une carte de commerçant étranger

Si le directeur responsable de la succursale est de nationalité étrangère, il doit justifier de la possession de la carte de commerçant étranger.

Toutefois, cette carte n'est pas exigée des ressortissants des Etats membres de l'U.E. et des étrangers titulaires de la carte de résident.

La carte de commerçant étranger doit être demandée à la Préfecture du département dans lequel la société exerce son activité.

  • Toute société commerciale, dont le siège est à l'étranger et qui ouvre en France un premier établissement, est tenue de déposer au Greffe du Tribunal de Commerce du lieu d'implantation deux copies certifiées conformes des statuts de la société en vigueur au jour du dépôt et traduits en français;
  • Elle doit également déposer toutes les pièces d'identité nécessaires du représentant légal de cette succursale en France;
  • Toute société dont le siège est situé à l'étranger et qui ouvre en France son premier établissement doit, dans un délai de quinze jours à compter de cette ouverture, demander une immatriculation au Registre du Commerce.

A l'appui de cette demande, il devra fournir les pièces citées ci-dessus (statuts, carte de commerçant étranger ...) et un titre justifiant de la jouissance des locaux (titre de propriété, bail ...).

4.2. En Allemagne

La succursale est la solution la plus simple pour une société étrangère qui souhaite s'implanter en Allemagne et veut éviter la constitution d'une nouvelle société.

Il existe deux types de succursales en Allemagne :

  • La succursale non autonome :

Elle correspond au bureau de représentation français. C'est un simple « poste d'observation » qui va permettre de prendre des contacts sur place, d'assurer la publicité, de fournir des informations sur le marché, etc. Mais toute activité commerciale lui est interdite.

Elle doit simplement être inscrite auprès de la Chambre Professionnelle (Gewerbeamt) qui, dans les petites localités, est généralement domiciliée auprès de l'administration locale (Ordnungsamt). La succursale non autonome est enregistrée dès son inscription. Le créateur reçoit les papiers officiels de son inscription dans les 10 jours qui suivent.

  • La succursale autonome :

C'est un établissement secondaire. Elle peut exercer une activité commerciale et facilite ainsi les relations avec la clientèle. Toutefois, n'ayant aucune autonomie juridique, elle agit au nom et pour le compte de la société mère.

Elle doit être immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés tenu par le tribunal d'instance (Amtsgericht) compétent ainsi qu'à la Chambre Professionnelle (Gewerbeamt). Son délai de constitution est de quatre à huit semaines.

4.3. En Belgique

Avant d'établir une succursale en Belgique, les sociétés qui relèvent du droit d'un autre état membre de la communauté européenne doivent rendre publics les documents et indications suivants :

  • L'acte constitutif et/ou les statuts (si ces derniers font l'objet d'un acte séparé);
  • La dénomination;
  • Le registre auprès duquel un dossier a été ouvert au nom de la société et le numéro d'immatriculation de celle-ci dans le registre. (Art 3 de la directive 68/151/CEE) (Par conséquent, la société étrangère qui aura plusieurs établissements commerciaux situés dans le ressort de différents tribunaux de commerce devra obtenir plusieurs immatriculations);
  • Un document émanant du registre attestant l'existence de la société;
  • L'adresse et l'indication des activités de la succursale ainsi que sa dénomination si elle ne correspond pas à celle de la société;
  • La nomination et l'identité des personnes qui ont le pouvoir d'engager la société à l'égard des tiers et de la représenter en justice.

5. Conclusion

Ainsi, le choix d'ouvrir une succursale ou une filiale se fera selon la durée et les difficultés de création de la nouvelle entité, mais aussi selon le niveau de responsabilités que l'on accepte vis-à-vis de cette entité.

Le choix peut aussi se faire selon le fait que l'on souhaite ou non garder la totalité du contrôle de l'entité étrangère, ou si l'on souhaite pouvoir un jour permettre à des tiers d'intervenir dans cette entité par l'intermédiaire d'une ouverture de capital comme dans le cas d'une filiale par exemple.