Les lois sur l’échange d’informations au Luxembourg
Il existe, dans l’esprit du public, une confusion entre le secret bancaire, l’évasion fiscale et l’échange d’information. L’évasion fiscale peut porter sur bien d’autres éléments que les revenus de l’épargne, ce qui entraine cette confusion car, historiquement, la lutte internationale contre cette évasion portait principalement sur la fraude liée à la non déclaration des revenus de l’épargne. L’évasion fiscale des revenus de l’épargne serait favorisée par le secret bancaire. Le moyen de lutter efficacement contre cette évasion serait l’échange d’information.
Dans la pratique, ces relations de cause à effet ne sont pas aussi simples; il n’en reste pas moins que l’échange d’information, surtout s’il est automatique, a été perçu par le législateur comme un moyen efficace pour lutter contre la fraude fiscale transfrontalière.
« L’échange d’information » peut prendre 3 formes différentes : l’échange sur demande, l’échange spontané et l’échange automatique. Jusqu’à ce jour, seul l’échange de renseignements sur demande était utilisé, c'est d’ailleurs celui qui est prévu dans la plupart des conventions internationales de non doubles impositions actuellement en vigueur.
Petit historique
C’est Mario Monti, alors commissaire européen, qui en 1995 a entamé la lutte contre le secret bancaire pratiqué par les pays de l’union. Le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique se sont battus becs et ongles pour maintenir un système qui concourait à leur fortune.
En juin 2003, l’union européenne a fini par adopter une directive sur la fiscalité de l’épargne demandant que les revenus de l’épargne (intérêts) d’une personne physique, résidente fiscale d’un état, soient effectivement imposés dans ce même état si les intérêts ont été perçus dans un autre état membre, et cela au moyen d’un échange automatique d’informations. Les trois pays récalcitrants, dont le Luxembourg, ont bénéficié d’une période de transition pendant laquelle ils ont continué avec le système anonyme de retenue à la source. Ils ont été, en outre, protégés par une clause dite « level playing field » qui stipule que les états membres sont dispensés d’appliquer cette directive tant que des pays tels que la Suisse, Andorre, le Liechtenstein, Monaco et Saint Marin n’appliquent pas des mesures similaires.
La crise financière de 2007, amplifiée en 2008, a fait prendre conscience aux grands dirigeants du monde qu’on ne pouvait plus continuer sur ces bases.
Les Américains ont réagi les premiers, de manière efficace et dissuasive de leur point de vue, en adoptant une loi dite FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act). Cette dernière surtaxe les banques qui ne déclarent pas les avoirs détenus à l’étranger par des citoyens américains, allant même jusqu’à menacer de retirer la licence américaine des banques récalcitrantes. Ces décisions se sont donc rapidement imposées et ont fait reculer la Suisse, poussée par ses grandes banques complétement piégées.
Le Luxembourg, ayant lui aussi été obligé de fournir aux Etats-Unis d’Amérique les informations demandées, s’est trouvé dans l’obligation de fournir les mêmes données à ses partenaires européens, en vertu des nombreuses clauses de la nation la plus favorisée qu’il a signé dans les conventions internationales de non double imposition. Par ailleurs, mis au ban de l’OCDE, le Luxembourg s’est empressé de signer de nombreuses conventions de non double imposition autorisant les échanges d’informations sur demande motivée et, par là même, ouvrant une brèche dans le secret bancaire au Luxembourg.
En 2011, nouveau coup de boutoir de la part de l’Union Européenne qui adopte, à l’unanimité, une directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, directive transcrite partiellement en droit luxembourgeois le 29 mars 2013. Cet échange d’informations devant entrer en vigueur au 1 janvier 2015, le Luxembourg se trouvait dans l’obligation de mettre un peu de cohérence dans ses décisions d’ici cette date. D’où une nouvelle loi le 26 mars 2014 modifiant et complétant la loi du 29 mars 2013.
Au niveau de la communication automatique des intérêts perçus, et après une réticence marquée du Conseil d’Etat sur le projet de loi introduit (le 13 mars 2014) modifiant les lois de 2005, deux lois ont été votées le 25 novembre 2014. L’une, modifiant les lois existantes de 2005 sur la fiscalité des revenus de l’épargne et de la retenue à la source libératoire corrélative et l'autre, définissant la procédure applicable à l’échange d’informations sur demande en matière fiscale.
L’arsenal des lois luxembourgeoises sur l’échange automatique d’informations
1) Les lois du 29 mars 2013 et du 26 mars 2014, transposant la directive 2011/16/UE :
La directive demandait que cinq types de revenus soient échangés automatiquement, à savoir : les revenus professionnels, les tantièmes, certains produits d’assurance-vie, les pensions et les revenus provenant de biens immobiliers, et cela pour la première fois pour les revenus de 2014 (donc à communiquer avant le 30 juin 2015).
Le Luxembourg s’est donc engagé à communiquer automatiquement, pour le 30 juin de chaque année, les informations que son administration fiscale possédait déjà ou pouvait obtenir facilement, à savoir les revenus luxembourgeois provenant d’une activité salariée, les tantièmes et les pensions (en réalité, les revenus passibles d’une retenue à la source). Pour les autres revenus (provenant de l’assurance-vie et des biens immobiliers), le Luxembourg s’est déclaré dans l’impossibilité de les collecter facilement et donc de les transmettre automatiquement pour l’instant.
2) La loi du 25 novembre 2014 sur l’imposition de l’épargne et l’échange automatique d’information :
L’idée directrice de cette loi est, d’une part de modifier la loi du 21 juin 2005 (prise en conformité avec l’exception obtenue dans la directive 2003/48//CE sur l’échange automatique d’informations sur les paiements d’intérêts, et d’y appliquer la directive), et d’autre part de préciser les mécanismes de retenue à la source dans ce nouveau contexte (loi du 23 décembre 2005).
Cette loi réaffirme que les revenus de l’épargne des non-résidents luxembourgeois, personnes physiques, doivent être imposés dans leur pays de résidence.
Pour le reste, « l’agent payeur » se doit de communiquer à l'administration, avant le 20 mars, l’identité du bénéficiaire, le numéro de compte ou l’identification de la créance produisant les intérêts qui doit vérifier ces informations et les transmettre. Cette loi s’applique à partir du 1er janvier 2015.
De plus, il est constaté l’abolition des retenues à la source (15, 20 et 35%) qui avaient été instituées de manière transitoire.
Cependant, cette loi est loin de prévoir la transmission des informations financières exigées et obtenues par les Américains (FATCA). Il est donc prévu, pour 2017, d’élargir l’échange aux dividendes, aux plus-value, aux royalties ou à tout autre revenu d’actif détenus sur un compte financier et les soldes des comptes.
3) La loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale :
Le but de cette loi est de préciser que l’administration luxembourgeoise est tenue de répondre à toutes demandes introduites respectant les conditions de forme. Aucun recours ne peut être introduit contre une demande d’échange d’informations. Si le demandeur exige que le contribuable concerné ne soit pas informé de la demande, l’administration luxembourgeoise se doit de faire respecter cette interdiction.
Conclusion provisoire
Avec les lois votées en 2014, « les mailles du filet » sont encore très larges car il est, à la fois, discuté la fusion des trois standards existants (FATCA, OCDE, EU) et l’élargissement de ces règles à une centaine de pays à l’horizon 2017/2018 par l’intermédiaire du forum mondial.